revivez l'expo des Fêtes flamandes (MBA Lille)
- Eric Valenne
- 13 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 déc.
Kermesses, noces, fêtes religieuses et villageoises, ommegangs, joyeuses entrées, sacres princiers et royaux, ivresses et querelles, insanités et orgies ont fait partie des traditions festives, notamment des Flandres… (expo au MBA de Lille terminée)
L'expo au Musée des Beaux-Arts de Lille se déroulait d'avril à septembre 2025 et est dès lors terminée... mais elle toujours visible sur ce site grâce à la vidéo et aux articles.
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Les fêtes répondent à deux impératifs : constituer un moment de sociabilité, visant à créer et à entretenir un sentiment d’appartenance à une communauté, et une manifestation de réjouissances.
C’était à travers le prisme du divertissement collectif que cette exposition proposait d’explorer les fêtes flamandes aux XVIe et XVIIe siècles, des bals princiers, cérémonies religieuses et fêtes solennelles et urbaines aux kermesses et fêtes des rois.

Dans une société hiérarchisée et corporative, la fête servait à la fois de rituel social et d'exutoire. Aux XVIe et XVIIe siècles, les habitants des Pays-Bas étaient touchés régulièrement par des épidémies. Ils subissaient également les malheurs et les outrages de la Guerre, notamment celle de Quatre-Vingts Ans.
La fête constituait alors un moment crucial pour relâcher les tensions et renforcer le tissu social. L’exposition du MBA de Lille explorait les sens de l’imagerie festive.



Des représentations telles que les Kermesses et la Fête des rois constituaient des genres picturaux à part entière, appréciés bien au-delà des frontières. Aux Pays-Bas, l'État spectacle puisait abondamment dans les coutumes locales, faisant des solennités un moyen de négociation entre les différents niveaux de pouvoir.
Les multiples représentations de ces célébrations montraient aussi comment l'État et l'Église tentaient, à cette époque, de réguler les excès festifs. Malgré cela, l'aspect ludique et divertissant des fêtes perdurait.
Le parcours, d’une richesse exceptionnelle, rassemblait près de 100 peintures, gravures, dessins et objets (instruments de musique, céramiques...) provenant majoritairement d’institutions belges et françaises parmi lesquelles les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et le Musée du Louvre, et d’autres musées internationaux. Première à répertorier et traiter tous les types de fêtes, l’exposition emmenait le visiteur dans un univers dont les traditions et les valeurs propres à cette région résonnaient encore.
Concerts, banquets et rencontres prolongeaient cet événement, à travers une programmation festive et diversifiée, faisant du Palais des Beaux-Arts de Lille un lieu incontournable de cette saison lille3000.
UN PARCOURS EN QUATRE SECTIONS
I. Guerre et fête
II. Fêtes et cérémonies urbaines
III. Kermesses, noces et fêtes villageoises
IV. Fêtes de cour, fêtes des rois
I. Guerre et fête
L’exposition tente d’élargir la perspective sur le phénomène des fêtes aux Pays-Bas. Celles-ci, habituellement perçues comme synonymes de débordements grinçants et autres truculences folkloriques, révèlent pourtant à l’examen une structure sociale variée et mouvante, dont le fond irréductible est la guerre. Durant la période 1550-1650, l’Europe est quasiment en guerre perpétuelle, entre discordes religieuses et rivalités politiques. La fête est une réponse à cette situation. Fête exutoire donc, mais tout autant fête régulatrice : l’art qui se déploie à l’occasion des fêtes illustre la construction d’un espace (éphémère mais récurrent) de paix. La fête cherche à faire société. Cette section première évoque dès lors les outrages de la Guerre de Quatre-Vingts Ans et les souffrances des populations : sièges de villes, destructions de villages, pillages et attaques, combats entre paysans et soldatesque… Ces horreurs deviennent un leitmotiv des œuvres du XVIIe siècle. La représentation d’une attaque est parfois associée, par les artistes, avec celle d’une fête villageoise : celle-ci incarne alors une accalmie, voire la paix retrouvée. La section peut s’articuler autour d’une telle paire, formant ainsi le socle de l’exposition.
II. Fêtes et cérémonies urbaines
Cette section, la plus étoffée de l’exposition, regroupe essentiellement trois types de fêtes et de cérémonies urbaines des Pays-Bas méridionaux aux Temps modernes : les Joyeuses Entrées et réceptions princières; les fêtes religieuses ; l’ommegang et le concours de tir à l’oiseau des corporations dites militaires, auquel le prince ou son représentant était régulièrement invité et formait alors le prétexte à des célébrations grandioses. Tous ces événements témoignent à des degrés divers d’une perméabilité entre sacré et profane, et d’un mélange des genres, du solennel au pur divertissement. Les premiers sont d’ordre strictement civique : il s’agit d’accueillir l’autorité princière, en particulier à l’aide d’arcs de triomphe et de représentations théâtrales. Deux entrées à Anvers seront mises en exergue : celle des archiducs Albert et Isabelle de Habsbourg en 1599 et celle du Cardinal Infant Ferdinand en 1635. Pour cette dernière entrée, plusieurs toiles conçues par Rubens pour les arcs de triomphe, et dont deux appartiennent au Palais des Beaux-Arts de Lille, ont été conservées. Elles seront donc exposées au cœur du dispositif.
Les fêtes religieuses seront évoquées à l’aide de gravures et de peintures, tandis que l’ommegang et la participation au tir des arbalétriers bruxellois de l’infante Isabelle en 1615, comme celui de l’archiduc Léopold Guillaume en 1651, le seront à travers le riche matériel qu’ils ont laissé : dessins, peintures – entre autres, de David Teniers (provenant du Kunsthistorisches Museum de Vienne) -, manuscrits, objets. Ces fêtes, aussi solennelles soient-elles, possèdent également un caractère foncièrement ludique – ce qui assure la transition avec la section suivante.
III. Kermesses, noces et fêtes villageoises
Cette section fait passer le visiteur de la ville au village.
Elle sera surtout illustrée par des tableaux – dont certains monumentaux – dans la tradition bruegélienne et des peintures dans la veine de Teniers. Si ces tableaux en sont venus à former un genre en soi (« la fête au village »), ils montrent aussi un processus d’apprivoisement, par l’autorité locale, des saturnales paysannes : les puissants se mêlent aux villageois au cours de la fête. Au cœur de cette section, sera ainsi exposée Les noces paysannes en présence des archiducs Albert et Isabelle, œuvre peinte par Jan Brueghel l’Ancien pour la cour d’Espagne et qui appartient aujourd’hui au musée du Prado à Madrid.
IV. Fêtes de cour, fêtes des rois
Après les fêtes se déroulant à l’extérieur, voici celles se passant en intérieur. L’accent est mis sur la fête du roi célébrant l’épiphanie qui mime (de façon parodique) un banquet de cour. Le rapport à l’autorité se retrouve ici, de même que le thème de la fête comme exutoire. Cette section est construite autour d’une des versions du Roi boit de Jacques Jordaens, une des peintures les plus connues et les plus les plus impressionnantes de l’art flamand du XVII siècle. En regard de ces peintures parodiques, plusieurs représentations de fêtes « courtoises » permettront au spectateur de saisir tout le sens et toute la différence entre ces deux types de célébrations.

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